L’amour dont on rêve est paisible et bucolique...
L’amour qui nous attend est belliqueux et culturel !

 Il faut réaliser qu’il faut ouvrir les yeux sur la réalité du monde.

Beaucoup d’entre nous sont nés d’une génération éduquée par les mythes romanesques, par la poésie, par le cinéma, par une sorte de néo-romantisme.
L’amour, c’est une sorte de course au Prince Charmant ou encore à la Princesse endormie dans son beau château.

Jamais on ne nous a dit ou appris que l’amour est une résultante chimique.
Le résultat de tout un tas de facteurs, de composés biochimiques, de décharges neuronales, et même de compatibilité génétique !

Dans nos univers rêvés, le coup de foudre est quasi divin, magique, dévastateur, pas chimique.
La notion d’amour par facteurs cognitifs ne nous parle pas.

Nous ne savons pas que nos corps fabriquent des hormones et autres composés pour créer la dépendance à l’autre dans les débuts d’une relation, pour cesser de les produire au bout d’un certain temps.

L’amour que nous attendons est brillant, pullulant de clichés, vif et passionné.
L’amour que nous rencontrons est chimique, éphémère et n’est fait que pour assurer la procréation et la perpétuation d’une espèce.

 L’Amour chimique en vue de la procréation.

La science nous dit que l’amour est bestial, quasiment logique... La nature ne prend aucun risque, dès le début, elle a mis en place tous les éléments et les mécanismes pour s’assurer que ses créations puissent survivre, donc se reproduire.
La chimie est là, partout, pour nous forcer à nous attirer, à nous aimer, à nous reproduire.

Cette vision primaire, et même conflictuelle, de deux créatures guidées par les instincts de la nature pour survivre, est en parfaite contradiction avec la notion de l’amour telle que nous l’attendons et l’entendons.
L’amour fort mais sensible, romantique mais sauvage, brillant mais doux, surprenant mais rassurant, connu et inconnu à la fois.

Cela est presque cynique, une confession de sagesse froide, une négation de l’incarnation d’émotions profondes et sincères, une alchimie douteuse entre sentiments et métabolisme programmé.

Oui, combien de temps dure l’amour ?
Le temps qu’un corps cesse de produire de l’ocytocine [1], l’hormone de l’amour ?
L’euphorie retombe, le besoin psychique et physique de l’autre s’atténue jusqu’à ne plus être qu’un douloureux souvenir, chimère d’une production hormonale.

 Il faut nous apprendre à devenir réalistes.

Nous devons aujourd’hui apprendre à nous déformater. Car c’est ce que nous sommes, formatés. Formatés par une histoire, par une civilisation, par une époque, par nos us et coutumes, par les bonnes moeurs du moment...

Prenons les critères de beauté par exemple. Ils changent avec le temps, avec les cultures, avec les groupes, avec la mode...
Si un homme devait écouter réellement ses instincts, il serait attiré par les femmes aux hanches généreuses et solides, aux seins lourds, prêtes à porter des enfants, et avec quelques kilos en trop, gage de réserves pour les coups durs, mais pas trop non plus pour prouver leur bonne santé.
C’est ces femmes-là qui devraient plaire à la majorité des hommes, et non ces filles au physique filiforme, quasi anorexique, que l’on appelle « top model »... et qui pourtant font baver les mâles !
Car ils ont été éduqués ces braves petits, depuis leur plus jeune et tendre âge, par la société, à effacer et oublier leurs instincts et faire comme tout le monde : correspondre à ce que leur environnement leur dicte, se fondre dans la masse grouillante de la normalité, s’oublier.
Nous ne sommes que les chiens-chiens, les braves toutous d’un système qui joue avec nous.

 Un système, un troupeau, un chien de berger...

Un système constitué de millions, de milliards d’êtres humains, qui tirent la couverture dans tous les sens, jusqu’à ce qu’il y ait une tension plus forte qui l’emporte vers une direction provisoire.

Mais est-ce vraiment nous qui tirons cette couverture ?
Est-ce-que ce système n’est pas le fruit de l’action de quelques bergers, imposant au troupeau que nous sommes la bonne voie ?
N’est-ce-pas plutôt un groupe d’hommes et de femmes, une poignée d’individus, qui le façonnent à leur guise tout en faisant croire au contraire ?

On ne peut s’exclure de ce système, on en fait partie intégrante, on n’a pas le choix, on doit en faire partie, alors il nous faut réapprendre ce qu’est l’amour, être capable de l’accepter tel quel : comme un état façonné par notre société et par notre capital génétique.

L’amour dont on rêve est paisible et bucolique...
L’amour qui nous attend est belliqueux et culturel.

P.-S.

Inspiré de Maxime Chattam « Les arcanes du chaos » - 2006 - ISBN 978-2-266-17400-8

Notes

[1] Parfois appelée à tord de l’ocytonine