Chaque année, en même temps qu’on remet les prix Nobel, à l’Université Harvard on remet les prix IgNobel [1] récompensant avec humour les recherches et les inventions ridicules et stupides qui font rire, et ensuite qui font penser.

La règle est simple :
Les prix sont décernés à des recherches qui ne devraient pas être reproduites.

Pour cette 18e édition en cette année 2008, chaque lauréat a eu un temps de parole de soixante secondes, et était implacablement interrompu à la soixante et unième.
Et un concours permettait de gagner un rendez-vous galant avec un vrai prix Nobel, en l’occurrence William Lipscomb (chimie, 1976), âgé de... 89 ans !

Dix prix ont été finalement remis, en l’honneur d’expériences et de recherches loufoques :

  • Nutrition
    Le prix a été décerné à Massimiliano Zampini et Charles Spence. [2]

    Car ils ont démontré que les aliments ont meilleur goût lorsqu’ils produisaient un meilleur son.
    On sait maintenant que les chips ont meilleur goût... si elles font du bruit !
  • Paix
    Le prix a été décerné à la Commission fédérale d’éthique pour la biotechnologie dans le domaine non humain (CENH).

    Ils ont adopté une motion protégeant la dignité de la créature à l’égard de l’utilisation des plantes.
    Si vous êtes du genre à parler à vos plantes dignement, le comité d’éthique sur la biotechnologie non-humaine Suisse vous en sera éternellement reconnaissant.
  • Archéologie
    Le prix a été décerné aux Brésiliens Astolfo Gomes de Araujo Mello et Jose Carlos Marcelino.

    Pour récompenser leurs recherches sur les sites archéologiques sud-américains qui peuvent être ravagés par les tatous (mammifères) [3].
    Si le chien est le meilleur ami de l’homme, le tatou est sûrement le pire ennemi des archéologues !
  • Biologie
    Le prix a été décerné à Marie-Christine Cadiergues, Christel Joubert et Michel Franc de l’École Nationale Vétérinaire de Toulouse.

    Ils ont découvert que les puces vivant sur des chiens sautent plus haut que les puces des chats.
    Ces puces seraient sûrement de bonnes candidates pour le saut en hauteur aux Jeux olympiques...
  • Médecine
    Le prix a été décerné à Dan Ariely de l’Université Duke. [4]

    Il a démontré que la fausse médecine est plus efficace quand le prix est plus élevé.
    Plus le placebo est cher, meilleure est son efficacité !
  • Science cognitive
    Le prix a été décerné aux Japonais Toshiyuki Nakagaki, Hiroyasu Yamada, Ryo kobayashi, Atsushi Tero, Akio Ishiguro et Agota Toth. [5]

    Ils ont découvert que les amiboïdes [6] pouvaient résoudre des labyrinthes [7].
    Ainsi c’est une amibe du doux nom de Physarum polycephalum [8] qui est capable de résoudre des labyrinthes. Cette espèce est une moisissure (nom anglais slime bold), que l’on rencontre en forêt, et qui est à même de trouver le plus court chemin entre deux sources de (bonne) nourriture.
    Perdu en forêt ? on vous a toujours dit d’interroger les mousses, elles ne perdent jamais le nord.
  • Économie
    Le prix a été décerné aux Américains Geoffrey Miller, Joshua Tybur et Brent Jordan de l’Université de New Mexico. [9]

    Ils ont découvert que des clients donneront plus de pourboire à une danseuse lorsqu’elle sera au top de son cycle ovulatoire.
    Dans certains établissements, principalement de strip tease, des danseuses plus ou moins habillées rentrent en contact direct avec le client (ce type de danse est nommé Lap Dance). Plus la danseuse fait bien son show, plus le client est content, et plus le pourboire est gros...
    La proximité avec le client et les réactions physiologiques de la danseuse en pleine ovulation, aidant, ils ont prouvé que la générosité s’accroit.
    Mesdames, vous désirez un nouveau vison ? attendez donc la bonne période, et « collez » votre mari !
  • Physique
    Le prix a été remis à Dorian Raymer et Douglas Smith des États-Unis.

    Ils ont prouvé mathématiquement que des cheveux, ou tout autre objet semblable, finiront inévitablement par s’emmêler.
    Donc, les cheveux, les ficelles, les cordes, les tuyaux, les câbles ou toute structure filandreuse, finiront inévitablement par faire des nœuds si on les agite.
    A moins peut-être d’utiliser un « super démélant » ?
  • Chimie
    Le prix a été partagé par une équipe de chercheurs américain et taiwanais.

    Les Américains ont découvert que le Coca-Cola est un très bon spermicide [10] [11].
    Aussi étrange qu’il puisse paraître, les Taïwanais ont prouvé le contraire. Ils ont découvert que le Coca-Cola [12] n’est pas un bon spermicide.
  • Littérature
    Le prix a été remis à l’anglais David Sims.

    On l’a récompensé pour son étude écrite (que je ne préfère pas traduire) : « You Bastard : A Narrative Exploration of the Experience of Indignation within Organizations ».
    Elle parle de ce moment très précis, où, pendant un échange verbal, l’un des protagonistes s’énerve une fois pour toute, n’écoute plus rien, perd sa lucidité et sa tolérance, puis quitte éventuellement la pièce en claquant la porte... ou le nez de son interlocuteur.

Elles font sourire, et même parfois rire, ces recherches ou ces inventions...
Elles paraissent souvent ridicules, stupides, un brin décalées, inutiles...
Et pourtant, elles sont souvent l’avènement d’une nouvelle voie de recherche, une nouvelle façon de voir un problème, une percée innovante dans un domaine oublié.

Alors, oui, elles nous font doucement sourire, mais elles nous font réfléchir aussi !

Notes

[1] Prix IgNobel : accéder au site IgNobel pour plus d’informations.

[2] « The Role of Auditory Cues in Modulating the Perceived Crispness and Staleness of Potato Chips » Massimiliano Zampini and Charles Spence, Journal of Sensory Studies, vol. 19, October 2004, pp. 347-63.

[3] Tatou : lire cet article pour plus d’informations.

[4] « Commercial Features of Placebo and Therapeutic Efficacy » Rebecca L. Waber ; Baba Shiv ; Ziv Carmon ; Dan Ariely, Journal of the American Medical Association, March 5, 2008 ; 299 : 1016-1017.

[5] « Intelligence : Maze-Solving by an Amoeboid Organism » Toshiyuki Nakagaki, Hiroyasu Yamada, and Ágota Tóth, Nature, vol. 407, September 2000, p. 470.

[6] Amiboïdes : lire cet article sur les Rhizopoda pour plus d’informations.

[7] L’article du magazine Nature « Maze-solving by Physarum polycephalum » est disponible ici.

[8] Un robot piloté par une moisissure : plus d’information sur cet article de Futura-Sciences.

[9] « Ovulatory Cycle Effects on Tip Earnings by Lap Dancers : Economic Evidence for Human Estrus ? » Geoffrey Miller, Joshua M. Tybur, Brent D. Jordan, Evolution and Human Behavior, vol. 28, 2007, pp. 375-81.

[10] Spermicide : lire cet article pour plus d’informations.

[11] Et une vidéo (bien amusante) en anglais sur la présentation du sujet en suivant ce lien.

[12] Un p’tit Coca après le sexe ? Bien frais alors...

Les femmes ne doivent pas compter sur le Coca-Cola comme moyen contraceptif, explique dans le British Medical Journal un professeur en gynécologie-obstétrique, tordant le cou à une vieille rumeur selon laquelle la célèbre boisson gazeuse aurait une action spermicide.

La douche vaginale post-coïtale au Coca-Cola aurait eu son heure de gloire dans les années 1950-60, avant que des méthodes contraceptives efficaces ne soient facilement accessibles. La rumeur disait que l’acidité de la boisson détruisait le sperme et que la bouteille de Coca classique, bien secouée, permettait une application idoine...

Dans l’édition de Noël du BMJ, le Dr Deborah Anderson (Université de Boston, Etats-Unis) explique pourquoi si l’on veut prendre un Coca-Cola après le sexe, mieux vaut le boire.

Le Coca n’a qu’« un faible effet spermicide » et en outre la vélocité des spermatozoïdes leur permet d’échapper à l’effet de la douche vaginale, note-t-elle.

Efficace pour faire briller les pare-chocs de voiture, le Coca n’est pas particulièrement recommandé pour la muqueuse vaginale. Il peut endommager les tissus et rendre ainsi la femme plus sensible aux infections sexuellement transmissibles. Il pourrait aussi être nocif pour la flore bactérienne vaginale. La douche vaginale pourrait par ailleurs favoriser les grossesses extra-utérines.

Le Dr Anderson expose trois derniers arguments :

  • la formule de la boisson est tenue secrète et par conséquent aucune recherche n’a été réalisée sur les risques pour l’enfant en cas de grossesse ;
  • la technique de la douche au Coca requiert une certaine dextérité et n’est pas sans danger, en particulier dans l’obscurité ;
  • enfin, il existe des méthodes contraceptives beaucoup plus efficaces et pratiques.