Voici une petite fiction qui nous montre l’effet pervers des statistiques...

La question ici est :
Comment évaluer l’efficacité thérapeutique d’un médicament ?

Le directeur d’un laboratoire pharmaceutique était perplexe : il devait arbitrer une querelle entre son statisticien et son chimiste, inventeur d’un traitement de la sténotapie hypocondriarcale.

- “La molécule de sitodon” clamait le chimiste, “diminuera de 25 % les risques d’attraper la sténotapie.

- “A cause des fluctuations statistiques, vous aurez du mal à prouver que votre médicament a cette efficacité...” lui répondait le statisticien.

Le directeur se fit expliquer le problème par le statisticien car les fluctuations statistiques lui étaient étrangères.

- “Pour évaluer la vérité des dires du chimiste, nous allons faire suivre pendant 10 ans le traitement au sitodon à 100 volontaires. Pendant le même temps, 100 autres personnes d’âge, d’habitudes de travail, sexuelles et télévisuelles identiques à celles du premier groupe prendront un placebo. Puis nous comparerons les résultats. En l’absence de traitement pendant ces dix ans, 10 personnes en moyenne seront atteintes de sténotapie.

- “Alors, avec le sitodon, il n’y en aura que 7 ou 8,” affirma notre chimiste, “Facile à prouver ...

Le statisticien était dubitatif.
- “Certainement pas, car le nombre 10 de personnes qui souffriront de sténotapie est un nombre moyen ; il y a des variations, les fameuses fluctuations statistiques. Je vais vous montrer pourquoi.

Oublions un instant les êtres humains et supposons que nous ayons une grande boîte avec des milliers de boules noires et de boules blanches mélangées.
Dans la boîte, il y a 10 pour cent de boules blanches et 90 pour cent de boules noires.

Maintenant, tirons des séries de 100 boules :
Dans chaque série, il y aura quelquefois 10, 11, 12 ou 13 boules blanches, quelquefois 7, 8 ou 9. Il y a même des cas où l’on tire 15 boules blanches sur cent...

Les statisticiens ont montré qu’en fait, dans 68 pour cent des tirages de 100 boules, vous obtiendrez entre 7 et 13 boules blanches ... c’est ce qu’on appelle encore une gaussienne.

Ces variations autour de la moyenne, ce sont les fluctuations statistiques.

Mais revenons à notre exemple médical.

Si, à la fin du test, 11 personnes sont atteintes de sténotapie dans le groupe qui a pris le sitodon, et 9 personnes dans le groupe placebo, vous n’aurez alors pas démontré que votre médicament est efficace !
Comme les fluctuations statistiques autour de la moyenne diminuent avec le nombre d’individus testés, il faudrait traiter 1000 personnes pendant 10 ans, et non pas 100, pour être à peu près sûr de la validité des résultats.

En effet, avec 1000 personnes les fluctuations autour de la moyenne sont divisées par 3 et là vous pourrez distinguer une réduction de 25 % des fluctuations statistiques. "

- “Mais cela va coûter trop cher” gémit le directeur, “Il est bien difficile de s’assurer de l’efficacité d’un médicament !

- “Imaginez maintenant que votre chimiste ait trouvé un médicament qui guérisse le cancer dans 5% seulement des cas, poursuivit le statisticien. Ce médicament aurait un formidable impact sur la santé publique, mais il faudrait tester son efficacité sur des dizaines de milliers de gens...

Le chimiste était déprimé ...
Le directeur, lui, accablé ...
Le statisticien, réaliste !

Aussi quand vous prendrez votre prochain médicament, cher lecteur, demandez-vous si ce n’est pas un placebo statistique !

P.-S.

Inspiré d’une vieille lecture dans Pour la Science.